top of page
  • Photo du rédacteurElisabeth

Un ruban rose et tout est permis

Dernière mise à jour : 24 oct. 2018

5 octobre 2018

J - 450 jours avant de lever l’ancre


C’est vendredi, mon jour de congé, celui que je consacre à la rédaction des articles pour mon blog. Tant que la météo le permet, je m’installe sur Monhegan pour écrire, ce cadre lacustre m’inspirant tellement. Les vagues que j’ai provoquées en montant sur le bateau ont fait fuir les poules d’eau réfugiées sous le ponton. Installée dans le cockpit, j’ai dû construire un taud de fortune (une sorte de bâche pour se protéger du soleil) afin de pouvoir lire le texte sur mon écran d’ordinateur, tant les reflets du soleil sur l’eau sont aveuglants.


Octobre rose

Nous sommes déjà au mois d’octobre, communément appelé #octobrerose, appellation qui fait référence au cancer du sein. Je trouve étonnant qu’un ruban rose symbolise cette maladie. A quoi les personnes qui ont conçu ce logo ont-elles bien pu penser ?

Si on survit à la maladie, qu’on soit en rémission - quel drôle de mot, assez inconfortable à prononcer - ou guérie, peut-être qu’on peut y voir le cadeau apporté par la maladie. J’en ai déjà parlé dans mon post précédent du reste. Mais je tiens à revenir encore une fois sur cet élément, car il est important pour moi. Et comme l’a si bien exprimé une amie qui a traversé cette épreuve: "quand celle-ci est derrière nous, on a le sentiment d'avoir « a second chance »".

L’Univers m’a donné ma seconde chance. Et j’ai envie d’en profiter pour vivre mes rêves, même si j’ai déjà réalisé la plupart de ceux-ci. Et mon rêve aujourd’hui, c’est de partir en mer plusieurs semaines par année avec mon mari Bernard.


Négocier les vagues pour tenir le cap

Quand j’ai fait part de mon rêve à Bernard, il a plutôt été conquis par ce projet, d’autant plus qu’il détient déjà son permis mer. Bien qu’étant un aventurier dans l’âme, contrairement à moi, il garde toujours le sens des réalités : « je propose que tu passes ton permis mer dans un premier temps, puis nous irons naviguer ensemble en Bretagne afin de nous entraîner aux manœuvres en équipage réduit.» Je ne pouvais qu’approuver sa posture. On ne part pas en mer à l’aveuglette, surtout après un certain âge. Une longue navigation, ça se prépare scrupuleusement. De plus, pour assurer notre propre sécurité et celle du bateau, il est indispensable que chacun.e de nous soit capable de manoeuvrer seul.e.

C’est ainsi qu’un jeudi soir très froid du mois de janvier 2018, j’ai commencé à suivre les cours théoriques dispensés par le groupe lémanique du Cruising Club Suisse CSS.

Un dicton affirme que dans la vie « rien n’arrive pas hasard ». Dans ce qui va suivre, j’aimerais y croire. (Mais je ne crois pas en revanche à cette théorie pour expliquer les causes des maladies).

Premièrement, les cours du CSS se sont déroulés sur mon lieu travail. Nul besoin de me déplacer à 19h pour me rendre à ma leçon puisqu’elle avait lieu dans une salle de classe de l’école professionnelle dans laquelle j’enseigne. C’était bien pratique. Chaque jeudi j’étais déjà à mon poste, donc "au taquet" pour étudier.

Ensuite, ce qui est assez incroyable, c’est qu’en plus de suivre ces cours avec Olivier, un ami-collègue, j’y ai retrouvé deux femmes formidables que j’avais déjà croisées à des moments clés de mon existence : Anne, lorsque je travaillais sur mon premier livre et Samantha, qui travaillait dans un hôtel prestigieux de la place lausannoise et que j’avais interviewée pour un reportage figurant dans un guide de voyage. Et c’est cette deuxième rencontre que j’aimerais vous raconter. Car je ne pourrai jamais l’oublier.


« Ma tempête du siècle »




Cette rencontre a eu lieu le 14 octobre 2016. La veille, j’avais effectué une mammographie au résultat suspect. Le médecin avait alors décidé de faire une biopsie dont j’attendais le résultat. Le pronostic n’était pas très bon, je me doutais bien que les symptômes dont je souffrais risquaient d’être graves. Ce fut le cas. A peine avais-je terminé le reportage que j’étais en train d’effectuer dans ce cinq étoiles, mon téléphone a sonné. Ma médecin me confirmait ce que je pressentais.

Je me revois encore, appuyée contre un pilier de cet hôtel luxueux, sidérée par cette horrible nouvelle, les bras ballants, mon téléphone encore dans la main. En état de choc. Incapable de pleurer. Je revois Samantha venir vers moi, me proposer son aide, me tendre un mouchoir.

Du coup, nul besoin d’expliquer pourquoi Samantha et moi-même avons été saisies par l’émotion lorsque nous nous sommes reconnues lors de ce premier cours théorique du CSS. Et quelle joie, voire euphorie, nous avons également partagée lorsque toutes les deux nous avons réussi notre permis théorique après avoir étudié pendant de nombreuses et si longues soirées d’hiver.


La terre ressemble à une grosse patate

J’ai adoré me retrouver sur ces bancs d’école pour étudier les matières, très denses, que nous devons maîtriser pour devenir cheffe de bord. Je n’avais plus fréquenté les bancs de l’Université depuis près de 30 ans. Ce qui est fantastique toutefois, c’est de constater combien les réseaux neuronaux qu’on ne mobilise pas dans sa vie quotidienne et professionnelle peuvent se reconnecter, même s’ils n’ont pas été stimulés pendant de nombreuses années. J’ai aussi adoré travailler sur la carte de St Malo et des îles anglo-normandes, que toutes celles et ceux qui suivent les cours du CSS connaissent par cœur. Mais j’ai bien crû pendant un certain temps que je n’arriverais jamais au bout de mes peines avant de savoir utiliser la règle de cras, le compas à pointe sèche et dessiner les routes surface et de fonds sur ma carte. Au CSS, on ne plaisante pas, on vous oblige à effectuer tous les calculs à la main. Point de GPS pour tracer sa route, point d’apps qui vous indiqueraient les horaires des marées et les directions des courants. Bref, un enseignement à l’ancienne, lequel doit nous permettre de nous débrouiller à bord au cas où tous les instruments tomberaient en panne.

J’ai retenu une chose rigolote de ces cours : si l’eau qui recouvre notre planète s’évaporait, notre terre ressemblerait à une grosse patate.



J’ai retenu une chose rigolote de ces cours : si l’eau qui recouvre notre planète s’évaporait, notre terre ressemblerait à une grosse patate.


Le projet r’Ose transat

Je suis super contente car le projet de transat avance bien. A propos, il a changé d’appellation : ce sera r’Ose transat. Nous avons pris cette décision avec mes deux équipières et notre skipper. Bonne nouvelle également, l’équipe à terre s’élargit. Des personnes bénévoles se sont engagées pour nous aider à gérer le projet.

Et vous savez quoi? J’ai reçu un joli cadeau avec un ruban rose cette semaine…

Samantha a décidé de rejoindre l’équipe à terre. Je crois que cette fois j’ai compris le symbole de ce ruban. Il exprime (pour moi) cette formidable solidarité qui se crée et les liens qui se tissent entre les personnes, patient.e.s ou proches, qui traversent l’épreuve du cancer.


St Malo, Hisse et Oh

Je suis impatiente. Dans une semaine, j’embarquerai pour un stage de voiles à bord de Ti Malo, un Pogo 10,50 avec Bernard, Olivier, mon compagnon de cours permis mer, et Irène, afin de « faire mes milles ». Car je dois encore effectuer 900 milles marins, soit 1666,8 km, sur un voilier avant d’obtenir le sésame qui m’ouvrira les portes des océans. Nous naviguerons « sur la carte du CSS ». Je me réjouis d’ores et déjà de découvrir la cardinale sud des Minquiers, la Catheuse, tous ces repères qui m’ont fait sué quand j’étudiais.

Bernard m’a offert une tablette pour que je puisse apprendre à naviguer avec une carte électronique et le GPS. Je vais continuer à réactiver mes circuits neuronaux. Et c’est promis, je tiendrai bon le cap.


Et si le coeur vous tente, je vous invite à visionner ce reportage qui me fait rêver. Je ferais bien comme Clarisse Cremer, mais je n'ai plus 20 ans. Ce sera pour une autre vie !


Bon vent,


Elisabeth





140 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page